Perspectivia
Lettre1865_04
Date1865-02-22
Lieu de créationFrancfort [sur le Main]
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnées
Lieux mentionnésBruxelles, Exposition générale des Beaux-Arts
Œuvres mentionnéesS Stilleben mit totem Reh (nature morte au chevreuil)
S Jäger und Hirsch (chasseur et cerf)

Francfort [sur le Main]

22 févr[ier] [18]65

Mon cher Fantin,

Je me dépêche de répondre à votre lettre. Je regrette bien de vous faire tant de dérangement, surtout dans ce temps où vous êtes pressé pour votre travail et d’autant plus parce que je vous ai fait un dérangement inutile, car j’ai compté que je ne pourrai pas achever mon tableau pour l’exposition, j’en suis bien fâché.Scholderer, Jäger und Hirsch, B.48. Vous comprenez cela d’abord ce sera mon meilleur tableau si aussi bien des choses y sont, comme je ne voudrais plus les faire et puis le sujet du tableau, la lumière etc. aurait fait de l’effet, on l’aurait vu pendant que je ne sais pas si ce sera la même pour les autres, car surtout celui que vous aurez vu maintenant n’est pas très fort, il me semble, il y a quelques bons morceaux, je crois surtout les poissons et la tête du chevreuil, l’autre et surtout l’ensemble n’est pas encore assez fort, mais vous verrez cela bien aussi. Je peux dire que les autres que j’ai faits depuis sont beaucoup beaucoup mieux, c’est pourquoi je regrette tant, que celui-ci à qui je travaille ne sera pas achevé, cependant j’ai toujours encore un peu d’espoir, mais alors je veux pourtant faire faire le cadre ici, qu’en cas que je ne pourrais pas l’envoyer, j’aurais pourtant mon cadre pour l’envoyer autre part. Vraiment je suis bien fâché de vous avoir volé votre temps d’une pareille manière ; pardonnez-moi. Je suis réjoui d’avance de recevoir votre lettre, il me semble que dans ma dernière, je me suis exprimé très mal, j’ai bien senti que j’ai dit des choses insuffisamment éclairées, mais peut-être vous y avez compris quelques mots, il est bien pénible pour moi d’écrire dans cette langue, en allemand je le ferais mieux. Je comprends très bien qu’il y a encore bien des choses à faire à votre tableau, le temps passe terriblement vite, il est bien heureux que les journées sont déjà plus longues. J’ai dîné pendant tout l’hiver au soir comme vous, on ne peut pas travailler autrement, les Allemands perdent leur temps en dînant à midi ou deux heures dans l’après-midi, mais aussi s’ils vivraient comme les Français, ils ne feraient non plus rien de bon dans la peinture, c’est effrayant comme les peintres ici ont peu d’intérêt pour leur métier, rien ne les intéresse.

Savez-vous s’il y aura une exposition à Bruxelles cette année,Scholderer évoque ici l’exposition générale des Beaux-Arts de Bruxelles de 1865. alors j’enverrai peut-être mes tableaux ici on ne sait rien du tout, il n’y a pas moyen de s’informer.

Alors ma caisse est arrivée, elle est déjà très grande, mais les autres seront bien plus grandes encore ; je pense que le tableau sera bien noirci,Scholderer, Stilleben mit totem Reh, B.34. car c’est un an maintenant qu’il n’a pas vu la lumière, je suis bien curieux de ce que vous direz de ma peinture. Mais je vous dis encore une fois que la présente est beaucoup mieux. Mon chasseur est devenu très bien, j’en suis content et cela a fait beaucoup de bien au chevreuil qui auparavant était un peu jaune, maintenant il est devenu gris, ce qui est bien mieux ; quand je ne pourrais pas l’envoyer, je vous enverrai au moins une photographie, quoiqu’elle sera bien noire, savez-vous que la peinture est si foncée que je pourrais presque faire la plus grande lumière dans la chair avec l’ocre jaune ? C’est bien foncé, mais je n’en ferai plus de si foncées. Maintenant il faut que je porte la lettre à la poste, pour ne pas vous laisser attendre. Encore je vous remercie bien de tout ce que vous avez fait pour moi, dites-moi ce que vous avez payé pour la caisse et le transport etc. je vous enverrai l’argent de suite. Maintenant Adieu

Votre ami

O. Scholderer