Perspectivia
Lettre1871_02
Date1871-07-17
Lieu de création1. Auckland Road, Battersea Rise, New Wandsworth
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesPiloty, Carl Theodor
Leighton, Frédérick
Courbet, Gustave
Artz, Constant
Edwards, Edwin
Legros, Alphonse
Whistler, James Abbott MacNeill
Graan, Jan de
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Müller, Victor
Manet, Edouard
Thoma, Hans
Leibl, Wilhelm
Bismarck, Otto von
Moltke
Gambetta
Trochu, Louis Jules
Eyssen, Louis
Wagner, Richard
Thiers, Louis Adolphe
Napoléon, Gerome
Corot, Jean-Baptiste Camille
Daubigny, Charles-François
Burnitz, Karl Peter
Favre, Jules
Constable, John
Crome, John
Turner, Joseph Mallord William
Millais
Hook, James Clarke
Titien
Giorgione
Bazille, Frédéric
Maître, Edmond
McLean, Thomas
Ritter
Fantin-Latour, Jean-Théodore
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Munich
Düsseldorf
Londres, National Gallery
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesF Un atelier aux Batignolles
S Kleiner Junge mit einem Blumenkorb auf den Knien (portrait d'un petit garçon avec une corbeille de fleurs sur les genoux)
S Blumenbinderin (bouquetière)
S Junge Dame im Rohrstuhl, einen Brief lesend (jeune femme dans un fauteuil d'osier, lisant une lettre)
S Kopie nach Giorgion/Tizian, Fête Champêtre (copie d'après Giorgione/Titien, Fête champêtre)
S Zwei grosse Stilleben mit Georginen (Dahlien) I und II (deux grandes natures mortes avec dahlias I et II)
F Édouard Manet

1. Auckland Road, Battersea Rise, New Wandsworth, near London

[17 juin 1871]

Mon cher Fantin,

C’est avant hier que j’ai reçu votre bonne lettre, et je peux dire qu’en voyant votre écriture, j’ai éprouvé une véritable joie qui s’augmentait en apprenant que vous êtes en bonne santé et sortez sauf et sain de toute cette misère que Paris a dû supporter. Chaque jour, depuis votre dernière lettre que j’ai reçue en SuisseLa lettre dont il est question fait partie de l’ensemble des lettres manquantes de Fantin adressées entre 1858 et 1871 à Scholderer. et dont l’expression triste qui y régnait me faisait craindre continuellement pour vous, j’ai pensé à vous et vraiment je n’osais pas vous adresser une ligne pour vous demander comment vous alliez, j’avais une peur terrible de le faire, j’ai écrit plusieurs fois à Artz pour avoir de vos nouvelles, mais jamais il me répondait là-dessus et ne savait rien d’aucun de mes amis et ceux qui m’intéressaient.

Je ne savais pas l’adresse de Edwards, je n’ai pas vu Legros ou Whistler, j’ai tant à courir, depuis que je suis ici, qu’il m’est si difficile de voir quelqu’un, et les distances sont affreuses et font perdre un temps immense ; malheureusement votre lettre m’est venue à ma première demeure et j’ai dû attendre quelques jours avant qu’on me l’envoyât, mais le lendemain, hier, je suis allé voir Edwards qui me recevait en montrant avec une main sur mon portrait à votre tableauScholderer figure dans Un atelier aux Batignolles, F.409 qu’avait acheté Edwards. et en m’étendant l’autre, il me recevait avec un véritable plaisir de voir un ami de vous, en quelque temps, j’étais au fait de tout ce qui vous regarde, j’ai vu vos tableaux qui m’ont fait le plus grand plaisir et c’est plutôt votre atelier que celui d’Edwards, il était charmant ainsi que sa femme et leur vie bohémienne, comme elle dit, m’a beaucoup plu. Je reviendrai là-dessus, mais il me presse d’abord de vous raconter ce qui s’est passé dans ma vie depuis que vous avez mes dernières nouvelles, et quoique mon mariage m’est la chose principale, je veux me forcer de vous le raconter dans l’ordre chronologique pour ne rien oublier. Je restais en Suisse jusqu’au mois de septembre, nous avions un temps affreux, le séjour commençait à devenir insupportable et la sympathie pour mon jeune compagnon de Graan n’augmentait pas, il est dur et égoïste et a si peu d’originalité dans sa nature, excepté cela qu’on le connaît à jour en quelque temps, et ce n’est que sa figure et son extérieur sympathique, presque comme celui d’une femme, qui fait toujours plaisir. Je l’accompagnais jusqu’à Bonn où son tuteur l’attendait ; après un court séjour à Düsseldorf où je voyais ma fiancée ; je suis allé, selon mon projet, à Munich où j’ai passé trois mois. Déjà dans le premier temps j’éprouvai que ce ne serait pas la place ou je pourrais vivre si pendant que la guerre continuait je prévoyais qu’il serait difficile pour moi de retourner dans la première année à Paris, et comme je voyais que ma carrière d’artiste en serait interrompue, encore une fois, je faisais un effort et résolus de marier, et au moins d’atteindre un but auquel, et vous le savez sans doute déjà, j’aspirais depuis des années.

J’ai souvent souhaité mon cher ami de vous en parler, mais comme ce but me semblait quelquefois être encore si éloigné, je craignais d’entendre peut-être de vous une crainte ou un reproche qui n’auraient pas pu changer mes intentions, mais je crois que j’ai bien fait et que dans ce temps où j’ai souffert beaucoup vous m’auriez été une consolation et un appui. Enfin j’ai fait un effort et suis marié, et je peux vous dire que malgré le moment d’avoir fait cela n’était pas le plus favorable, et que je suis dans une position très critique, je suis bien heureux de l’avoir fait et regrette de tout mon cœur de ne l’avoir pas fait plutôt. Je crois qu’il n’est pas nécessaire de vous dire comme je suis heureux, et comme j’aime ma femme et suis aimé d’elle, et qu’une inclination mutuelle a formé notre liaison, cela se comprend.

Seulement ce qui me reste à désirer, c’est d’être plus libre comme artiste et de n’avoir pas trop à souffrir des misères de la vie ; il me semble difficile d’arriver ici comme artiste, le nombre de mes connaissances n’est pas encore grand et il m’est si difficile d’en profiter, je tâche de faire des portraits, celui d’un petit garçon avec paysage, une corbeille avec des fleurs sur les genouxScholderer, Kleiner Junge mit einem Blumenkorb auf den Knien, B.95. a beaucoup plu, mais ne m’a pas encore rapporté quelque chose, j’ai offert ma marchande de fleursScholderer, Blumenbinderin, B.94. à quelques marchands de tableaux et la femme qui litPeut-être Junge Dame im Rohrsthul ein Brief lesend, B.506. (Artz m’a envoyé ses tableaux) qui n’en ont pas voulu. Peu à peu j’espère cependant arriver un peu, il faut avoir de la patience, il y a une chose cependant que je crains plus, c’est d’être séparé de ce que j’aime dans l’art, mais plus d’être séparé de vous et je nourris en moi le désir de revenir un jour à Paris, je ne crois pas que je supportera rester longtemps ici. Vous comprenez cependant que dans le premier temps il me sera impossible de quitter Londres ; j’ai loué une petite maison, presqu’à la campagne, je m’y suis installé un peu et j’ai fait quelques dépenses pour cela et il faut tâcher d’arriver d’abord ici.

Mais je dois revenir à l’époque de Munich. La peinture de Müller m’a fait connaître, ce que j’ai toujours craint, qu’il est seul à Munich, il n’a pas de nourriture pour son art et se plonge de plus en plus dans ses moyens qui me paraissent depuis que Paris m’a ouvert les yeux, trop étroits, trop petits, c’est toujours la pâte, le noir d’ivoire et l’ocre jaune et avec cela pas assez de nature, de plus en plus maniéré et pas frais. Müller a le désir de se retirer de plus en plus, son atelier est fermé presque pour tout le monde et, ce qui est très mal, surtout pour les peintres, avec cela il a toujours le sentiment révolutionnaire et croit d’être méconnu plus qu’il ne l’est, son état corporel n’est pas favorable pour des efforts non plus, il est paresseux, devient de jour en jour plus gros, sans que c’est vraiment de la force qui lui arrive avec cela et sa santé n’est pas la meilleure. Il n’a aucun ami parmi les peintres, si ce n’est dans le dernier temps Thoma qui reste aussi à Munich et qui lui plaît beaucoup.Hans Thoma s’installe à Munich en novembre 1870. Nos idées, comme vous avez déjà supposé déjà à Paris, ne sont plus les mêmes, Müller s’est moqué un peu que je suis revenu de la pâte, que je suis pour le vermillon et la laque et le jaune de Naples qui lui font mal au cœur rien que de les voir sur la palette, et ma peinture ne lui a pas plu non plus, il est vrai que je n’en ai pas fait la meilleure à Munich. Pourtant mes idées, surtout de ce que je lui ai raconté de vous et de Manet, l’a ému un peu et lui a fait faire quelques efforts qui lui ont fait du bien. Aussi Thoma me fait du bien, il est aussi bien étonné du grand talent de ce dernier qui est toujours le même, j’ai vu des dessins magnifiques de lui.

Ce que j’ai vu de peinture à Munich ne m’a pas intéressé, plutôt dégoûté, et Thoma a dit le juste en disant que c’est si dégoûtant de voir que depuis que PilotyCarl Theodor Piloty (1826-1886), peintre allemand. A partir de 1858, il est enseignant à l’académie de Munich dont il devient directeur en 1874. Peintre d’histoire, il incarne pour la jeune génération le peintre académique par excellence. est le maître des jeunes peintres, on ne voit que des tableaux médiocres, qu’on a de la peine de trouver un mauvais tableau qui autrefois avait fait quelquefois tant de plaisir de les voir parmi les bons. Voilà la peinture à Munich, des choses d’une habileté énorme. LeiblWilhelm Leibl (1844-1900), peintre allemand. Il reçoit sa formation à l’académie des Beaux-Arts de Munich de 1864 à 1869 et fait des copies à l’ancienne Pinacothèque. Sa rencontre avec Courbet à l’occasion de l’exposition du peintre français organisée en 1869 à Munich le confirme dans son intérêt pour une peinture réaliste. Il peint alors essentiellement des portraits. Il part pour Paris cette même année, mais rentre rapidement après la déclaration de guerre franco-prussienne. De retour en Allemagne, il séjourne dans les villages de province de Grassling, Unterschondorf, Berbling, Aibling et Kutterling et se concentre sur la représentation de scènes villageoises et paysannes. y est et attire une société de jeunes gens qui sont enchantés de lui ; vous rappelez-vous le graveur en bois dans mon atelier à Paris qui commençait à faire de la peinture, j’ai vu quelques magnifiques choses de lui (natures mortes) àLouis Eysen (1843-1899), peintre allemand. Formé à partir de 1861 au Städelschen Kunstinstitut de Francfort-sur-le-Main, les liens qu’il tisse alors avec Victor Müller et Peter Burnitz détermineront sa carrière. Les deux peintres l’encouragent en effet à se rendre à Paris pour étudier la peinture en plein air. Eysen s’y rend à l’été 1869, rencontre Scholderer qui l’initie à la peinture, puis il rejoint l’atelier de Bonnat. Le conflit franco-prussien l’oblige à rentrer en Allemagne. Il noue alors des contacts à Munich dans l’entourage de Müller et de Wilhelm Leibl. Son œuvre témoigne d’un souci incessant de rompre avec la représentation de la nature comme tableau des états d’âme de l’artiste. Très exigeant et n’ayant jamais eu besoin de travailler pour vivre, Eysen n’a pas beaucoup peint (on répertorie aujourd’hui 180 tableaux et 230 dessins) et il ne s’est pas soucié de diffuser largement son œuvre restée longtemps méconnue. Francfort et il promet beaucoup, il s’appelle Eyssen ? Avec cela, Munich est une ville terrible, il y règne un air frais et dur, le paysage est dur aussi et la contrée stérile. La ville est un drôle de mélange de ville et village, la population primitive, fraîche et forte de corps et d’esprit, pleine de vigueur et de force, je suis sûr que c’est la partie de l’Allemagne qui produira un jour les hommes les plus remarquables. Mais je ne pourrais pas vivre à Munich, on est trop isolé là. J’ai entendu les Maîtres chanteurs de Wagner,Die Meistersinger von Nürnberg (Les maîtres chanteurs de Nuremberg) opéra en 3 actes de Richard Wagner, créé le 21 juin 1868 à Munich sous la direction de Hans Bülow Schott. ce n’est pas à décrire, rien que l’ouverture qui m’a semblé n’être rien dans la partition ou pour le piano me paraît la plus belle chose que j’ai entendue d’une grandeur inconnue jusqu’à présent et surtout les introductions, dans le second et le troisième acte, d’une beauté énorme, il est évident que c’est, avec les autres choses de Wagner, le plus grand œuvre artistique de notre époque.

Outre cela mon cher, pour dire mon opinion, je ne suis pas si partisan pour l’Allemagne que vous et n’admire pas tant Bismarck et Moltke, quoique encore cette guerre a été conduite d’une façon tellement supérieure de l’Allemagne qu’il faut qu’on ait la vanité des Français en ce point pour exprimer l’idée de vouloir la recommencer, et autant que les Français n’auront pas ce système de guerre qui est fondé sur l’état entier comme il est en Prusse, ils seront toujours battus, mais il m’est bien pénible de revenir sur ces choses ; je peux dire que ma sympathie a diminué pour les Français déjà après la chute de Gambetta qui avait commencé à relever la France moralement dans les yeux du monde, et le plus grand malheur pour le pays est qu’un gredin comme Thiers,Louis Adolphe Thiers (1797-1877), avocat, journaliste, homme d’État français. Il réprime violemment la Commune durant la « semaine sanglante » du 22 au 28 mai 1871. Il est ensuite nommé président de la République et sera renversé en 1873 par la majorité conservatrice de l’Assemblée. sûrement un homme incapable au fond, s’est emparé du gouvernement et provoqué ce malheur avec la Commune avec laquelle j’avais et j’ai encore la plus vive sympathie, aussi on finit par se moquer de M. Thiers et je fais surtout l’observation que les journaux anglais le traitent en canaille, ce qu’il mérite aussi. Vous dites que Trochu est le seul homme capable et quant au métier c’est vrai sans dire, mais pourquoi n’a-t-il pas agi ? Pourquoi s’occupe-t-il tant de ce que les autres disent de lui ?

Moi, je trouve que l’empereur devait revenir, dans l’état où est le pays il serait le mieux, n’est-il pas curieux que, presque dans toute l’Europe, il y ait des hommes entre soixante-dix et 80 ans à la tête des gouvernements ? Je crois que la façon de gouverner est aussi très âgée et fera bientôt place à une qui est entièrement différente, mais assez de cela, la politique n’est pas amusante, seulement encore que la lettre du prince Napoléon à FavreJules Favre (1809-1880), avocat et orateur politique, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de la Défense nationale en 1870, signe l’armistice avec les Allemands le 28 janvier 1871. Le prince Jérôme Napoléon (1822-1891) lui adresse une lettre véhémente le 31 mai 1871, le rendant responsable des déboires de la France. contenait du vrai, je crois que la France n’était pas préparée du tout pour la guerre, sans cela les succès des Allemands n’auraient pu être si grands et si le plan de Trochu aurait été exécuté qui sait quelle autre direction la guerre aurait prise.

J’ai quitté Munich au mois de janvier et j’ai marié au mois de mars, ma fiancée était aussi dès cette époque à Londres et demeurait chez des amis. Le pays me plaît énormément, des paysages magnifiques, des ciels comme je n’en ai jamais vu, mais j’ai encore peu de sympathie pour le peuple et je ne voudrais pas finir ma vie ici, la langue aussi est très difficile et je fais peu de progrès dans l’anglais. Il y a de magnifiques parcs, mais on ne peut pas entrer chacun pour lui seul. Les Anglais tous voleurs comme il n’y en a plus, et on est trompé partout, avec cela le pauvre veut imiter le riche, ce n’est pas le sentiment démocratique comme à Paris où l’ouvrier se sent autant que le banquier et le marchand, la population est bien plus canaille qu’à Paris. On mange surtout de bons muttonchops, la viande est délicieuse, je crois que ma santé en a profité, quoique de l’autre côté, les grandes marches que j’ai fait au commencement m’ont fait beaucoup de mal, le manque de repos. Vous connaissez Londres, c’est très étonnant, cette ville n’a aucune ressemblance avec une autre.

J’étais une fois dans la national gallery, je ne peux pas en parler. Je n’ai rien vu des autres choses remarquables, je n’ai pas le temps, pas au Kensington Museum,Le South Kensington Museum ouvre en 1857, il regroupe des collections d’art, de machines et d’animaux empaillés. A l’occasion de la pose de la première pierre du nouveau bâtiment construit par Aston Webb pour abriter les collections, le musée est rebaptisé Victoria and Albert Museum en 1899 en l’honneur de l’impératrice et de son époux. mais une magnifique exposition de vieux tableaux au printemps, j’ai vu des Constables,John Constable (1776-1837), peintre anglais. des Cromes,Vraisemblablement, l’un des peintres anglais John Crome (1768-1821) ou John Berney Crome (1794-1842). les Turners,Joseph Mallord William Turner (1775-185), peintre anglais. dans la national gallery qui me paraît être le plus grand artiste anglais, c’est énorme, il est tellement isolé dans son temps, je trouve. L’Exposition de la Royal AcademyFondée en 1768, la Royal Academy of Art organise chaque été à partir de 1769 une exposition d’artistes contemporains. Ces summer exhibitions commencent le premier lundi de mai et ferment le premier lundi d’août. n’est pas trop intéressante, MillaisJohn Everett Millais (1829-1896), peintre britannique. Il est membre fondateur avec Holman Hunt et Rossetti de la confrérie préraphaélite en 1848 ; par la suite Millais met son souci de rendu de la réalité au service de portraits mondains grâce auxquels il acquiert une très grande renommée. Après la mort de Frédéric Leighton, il est élu président de la Royal Academy en 1896, année de sa mort. En 1871, John Everett Millais expose à la Royal Academy : Chill October (n° 14) ; George Grote Esq., Vice Chancellor of the University of London (painted for the members of the convocation of that university) (n° 165) ; Scène de l’exode (exodus XVII, 10,11,12) (n° 191) ; A Somnambulist (n° 313) ; Yes or no ? (n° 1055). en premier rang ; il a un paysage ressemblant un peu à Corot, Daubigny, surtout à Burnitz, mais très grand et très beau. Puis HookJames Clarke Hook (1819-1907), peintre britannique. Il expose à la Royal Academy à partir de 1839. Il peint d’abord des tableaux dont les sujets sont empruntés à l’histoire de l’Italie ou à la vie de Shakespeare, et fonde par la suite sa réputation sur des paysages marins. Il expose en 1871 à la Royal Academy : A Thorn (n° 153), Salmon Troppers, Norway (n° 163), Norwegians Haymakers (n° 590), Market Girls at a Fjord (n°1161). m’a fait beaucoup d’impression qui fait les paysages avec grandes figures. J’ai vu LeightonFrédérick Leighton (1830-1896), peintre britannique dont la formation artistique a été très cosmopolite. Il étudie en effet successivement à Francfort puis à Rome. Il séjourne à Paris en 1855 et apprend auprès de Thomas Couture et Henri Robert-Fleury. Il fréquente le Louvre où Fantin le rencontre. Lorsqu’il s’installe à Londres en 1859, son art connaît d’abord peu de succès et ses envois à la Royal Academy sont systématiquement rejetés. Dans la seconde moitié des années 1860, ses œuvres commencent à avoir un réel succès. Il est nommé président de la Royal Academy en 1878 et devient alors une figure de proue de la société artistique victorienne. dans son atelier, il était très poli et très dégoûtant comme sa peinture qui est affreuse, il est grand admirateur de Legros (qui a un beau tableau à l’exposition),Legros expose en 1871 à la Royal Academy : Chantres espagnols (n° 187), Randle Wilbraham, Esq. Presented by his Tenantry (n° 351). aussi de Whistler comme il prétend. Whistler n’a pas exposé. Je vais connaître aussi Millais, j’ai une lettre pour lui, je suis très curieux de le voir.

Maintenant, je suis à la fin de mes aventures, je travaille à de petits tableaux et j’ai pour modèle principalement ma femme qui a des cheveux comme le Giorgion qui joue la guitare avec les femmes (que j’ai copié),Scholderer fait ici référence à Titien, Le concert champêtre, vers 1510-1511, huile sur toile, 105 x 136,5 cm, Paris, musée du Louvre, autrefois attribué à Giorgione. Il en avait fait une copie lors de son premier séjour à Paris : Kopie nach Giorgione/Tizian, « Fête Champêtre », B.16. blond roux et un teint conforme à son cheveux : blanc, bleu et rose, elle m’anime beaucoup à faire de la peinture. J’ai fait une assez grande nature morte, des fleurs pour le tuteur de de Graan il m’en a commandé deux.Scholderer, Zwei Grosse Stilleben mit Georginen (Dahlien) I und II, B.102. Mac Lean,Thomas McLean (vers 1832 - ?), marchand et éditeur d’estampes, dont la galerie est installée au 26 Haymarket en 1861, puis au 7 Haymarket en 1872. McLean achète et vend les estampes de Whistler pendant de longues années et particulièrement dans les années 1880. ce marchand de tableaux a exposé dans son salon un de mes tableaux que j’ai fait à Munich, mais il ne l’a pas acheté, cependant il me suffit que mon tableau lui plaît et j’espère de rester en relation avec lui. Me voilà arrivé à la fin de mon histoire, mon cher ami, maintenant je veux revenir à votre bonne lettre et aux événements dont vous étiez témoin dans ce temps affreux. Edwards m’a raconté un peu votre vie et j’éprouve un sentiment de gratitude pour lui pour ce qu’il a fait pour vous, cela doit vraiment être un homme superbe, aussi il m’a fait de suite cette impression. J’y ai vu quelques tableaux de vous que je n’avais pas encore vu, des fleurs dans un petit vase en cristal qui m’a fait grand plaisir. Votre grand tableau m’a plu encore plus qu’autrefois.Fantin-Latour, Un atelier aux Batignolles, F.409, dans lequel figure Frédéric Bazille mort au combat en 1870. Cela me rappelle le sort du pauvre Bazille et je me souviens de son sentiment désespéré quant au succès de ses tableaux c’est bien en rapport avec sa mort encore. Je voudrais bien avoir une petite esquisse de lui comme souvenir.

Il m’a fait grand plaisir d’apprendre que Maître se porte bien, saluez-le bien de ma part, c’est un homme qui m’est très très sympathique, un homme sérieux. Je peux très bien m’imaginer que la retraite pendant ce long temps vous a fait du bien, comme vous dites que cela a achevé votre éducation, j’ai toujours éprouvé qu’on a besoin de rester seul un certain temps pour développer certaines idées qui sans cela meurent en naissant. Quant au jugement des Français vous voyez que je ne suis pas tout à fait de votre avis, aussi je ne crois pas qu’une partie un pays seul est destiné à être plus que l’autre, la communication empêche cela et j’ai toujours des idées démocratiques, il ne leur faut que l’homme et celui aussi viendra un jour. Pauvre Courbet comme cela m’a fait de la peine ! Est-il vraiment mort ou est-il prisonnier, je suis toujours encore douteux là-dessus !A la fin du mois de mai 1871, le bruit court que Courbet est mort. Le 7 juin 1871, il est arrêté pour avoir contribué à la destruction de la colonne Vendôme. Il comparaît le 14 août devant le conseil de guerre à Versailles. Il est condamné à six mois de prison ainsi qu’à une amende de 500 francs et est incarcéré à la prison Sainte-Pélagie à Paris en septembre 1871.

Maintenant mon cher Fantin, j’espère que mon exemple vous donnera l’envie de marier et je vous assure que si votre femme vous aime, vous pouvez marier à toute époque. Ces dépenses pour une petite ménage ne sont pas trop différents de ce qu’un homme seul a besoin et pour vous il vous faut si peu pour vivre. Je vous conseille de venir ici et de marier ici comme je l’ai fait. Edwards me dit qu’il aura des commandes pour vous, que vous aurez des portraits à faire, que votre portrait de ManetFantin-Latour, Édouard Manet, F.296. plaît beaucoup ici. Il est vrai quand on est marié, il y a quelques concessions à faire, mais elles se font beaucoup plus facilement que quand on est seul et je vous assure la vie est plus légère, plus naturelle, on a moins de désirs pour des choses qu’on ne peut pas avoir, je ne sais pas comment m’exprimer, en un mot, on est bien plus content et plus tranquille. Ma femme vous connaissant mon ami que j’aime plus que tous les autres, éprouve la plus vive sympathie pour vous et espère que le moment viendra bientôt à faire votre connaissance, en attendant elle me charge de vous dire bien des choses. J’ai entendu avec plaisir que Manet se porte bien et s’est remis de sa chute, quelle chance qu’il n’ait pas eu les idées de Courbet, il aurait fait comme lui sans doute, saluez-le bien de ma part ainsi que sa femme et sa mère et ses frères. J’espère que dans votre prochaine lettre vous me direz ce qu’il peint et quelles sont ses idées. Je sais que les Ritter sont à Londres, mais je n’ai pas l’intention de le voir, ma femme n’a pas envie de faire la connaissance de Mme R. d’après ce que je lui ai raconté d’elle, et je sais aussi que Mme R. lui serait très désagréable ayant un caractère complètement opposé. Je ne leur peux pas être utile non plus, je n’ai pas de connaissances et encore moins le temps de m’occuper d’autres. C’est très bête de vous en vouloir parce que vous ne leur avez pas donné des recommandations, cela aurait été absurde, on ne peut pas introduire Mme Ritter, elle devrait avoir assez d’esprit pour comprendre cela.

Je ne veux pas oublier de vous dire que Edwards et moi ont beaucoup pensé à vous persuader de passer quelque temps ici, et je ne peux pas dire quel plaisir j’éprouverais de vous voir et de vous recevoir chez nous, et si je vous offre de partager notre vie simple et retirée et de rester avec nous, je suis sûr que vous ne le refuserez pas, parce que vous savez que ce sera pour moi la plus grande joie, mais j’espère toujours que vous suivrez mon exemple et ce serait encore mieux. Maintenant adieu, mon cher ami, ne tardez pas trop longtemps à me donner de vos nouvelles. Saluez bien Monsieur votre père, j’espère qu’il va bien ! Ma femme me charge de vous saluer bien de sa part. Adieu.

Votre ami

O. Scholderer.