Perspectivia
Lettre1881_08
Date1881-07-11
Lieu de créationHildesheim Keswick Rd Putney, London
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesRousseau, Théodor Auguste
Delacroix, Eugène
Diaz
Scholderer, Viktor
Dubourg, Victoria
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Charlotte
Dubourg, Hélène
Lieux mentionnésParis
Buré (Normandie)
Œuvres mentionnéesF Pêches dans une assiette
F La brodeuse
S The Masqueraders/ Die Maskierten - Vor dem Kostümball (Les costumés - avant le bal costumé)

Hildesheim Keswick Rd Putney

11/7.[18]81

Mon cher Fantin

Il faut que je vous écris enfin un mot pour vous dire que nous vivons encore. J’ai été bien indisposé cependant après que vous étiez partis pendant bien du temps. La chaleur a été bien terrible, ce qui m’a affaibli aussi beaucoup. Je recommence à reprendre un peu de force cependant et reprends mon travail. J’ai voulu vous écrire et toujours il me paraissait que je vous devais écrire une longue lettre dont je n’étais pas capable, maintenant après si longtemps je ne peux vous écrire qu’une courte, c’est toujours comme cela. Nous avons bien pensé que votre traversée fut bonne, et nous avons été bien contents de le voir confirmé par votre lettre. Maintenant vous serez déjà en Normandie, vous devez être bien content d’être loin de Paris, l’été promis d’être un des plus chauds. Nous aussi sommes bien contents d’être à Hildesheim, dans un air pur et dans une jolie petite place et toujours en plein air.

Je ne sais pas comment je vous dois remercier de toutes les belles choses que vous m’avez envoyées, elles m’ont fait le plus grand plaisir, surtout les pêches,Fantin-Latour, Pêches dans une assiette, F.994. que je trouve très belles, je suis si content d’avoir de vos fruits, il y a bien longtemps que je ne l’avais désiré. Mais je dois vous dire d’abord combien la brodeuseFantin-Latour, La brodeuse, F.1015. m’a plu, c’est un tableau qui est tout à fait à mon goût, en tout et plus que je le regarde, plus il me fait plaisir et plus je le trouve bien, quel dommage que cela doit se vendre, je suis sûr que vous aimeriez à le garder pour vous. Les photographies de Rousseau aussi m’ont fait le plus grand plaisir, et aussi les lithogr. de Delacroix le Diaz est charmant, je n’en avais jamais vu, aussi les paysages de Duprés, comme c’est passé ce temps et comme c’est plus agréable que ce qu’on fait maintenant. Le Mephisto est bien Delacroix je trouve, le lion et le cheval sont très beaux, ma collection s’est bien enrichie par vos cadeaux.De cet ensemble d’œuvres envoyées par Fantin à Scholderer, seules les œuvres de Delacroix sont à peu près identifiables. Il s’agit d’une des lithographies de Delacroix, D.56 bis-74, pour le Faust de Goethe, publié en 1828. Quant à l’autre gravure, la seule composition des années de jeunesse représentant un cheval et un fauve est Cheval sauvage terrassé par un tigre, D.77, 1828, lithographie, 20,4 x 27,6 cm. En 1844 Delacroix exécute un Lion dévorant un cheval, D.126, 1844, lithographie, 16,8 x 23,6 cm, mais il est peu probable que Fantin fasse référence à cette gravure bien plus tardive que le Faust.

Nous sommes bien honteux d’avoir fait si peu pour vous pendant votre séjour à Londres, seulement l’espérance de vous voir ici l’année prochaine nous console un peu, et j’ai toute confiance de vous voir à Londres à cette époque.

Vous devriez voir Victor qui devient chaque jour plus gentil et plus amusant, mais très emporté et méchant, quelque fois nous avons peine à le garder, il se lève et se roule dans son lit. La musique c’est à dire le chant lui fait beaucoup d’impression et nous avons vu avec regret qu’il est bien nerveux, il y a certaines mélodies qui l’enchantent trop, il se lève et paraît ravi, pousse des cris étranges et devient tout à fait pâle <je ne suis plus un homme dans cette chaleur mais une omelette>, aussi de certains objets lui font une impression semblable, par exemple la panthère en bronze que vous m’avez donnée, nous tâchons naturellement à ne pas l’exciter trop, à part de cela il se porte très bien et s’amuse beaucoup.

Mon grand tableauScholderer, The Masqueraders/ Die Maskierten – Vor dem Kostümball, B.196. doit être achevé le 8 août, j’ai bien des choses à faire encore, je voudrais vous le montrer en ce moment, j’ai achevé la figure du centre et je trouve que mon nouvel atelier est un grand bénéfit pour moi et je serai content d’y commencer quelque chose de nouveau.

Tout dernièrement seulement, les ouvriers ont quitté la maison, c’était terrible. Nous n’avons rien fait encore pour la décoration de notre maison, pas de tableaux accrochés encore, tout est resté comme vous l’avez vu. Cela m’a fait grand plaisir de vous voir au moment de l’installation de notre maison, j’y penserai toujours.

Ma femme est toujours encore bien faible, nous pensons aller passer trois semaines au bord de la mer, au mois d’août, pour que ma femme s’éloigne un peu du ménage, nous avons trouvé et renvoyé encore une servante, c’est un tracas continuel. N’avez-vous pas envie de prendre des bains de mer, je crois que cela vous ferait du bien et certainement aussi à Madame, est-ce que c’est bien difficile d’y aller ? C’est l’été pour les bains de mer. Nous irons au plus près endroit pour la mer, je crains qu’il fasse bien chaud, moi je ne me porte jamais bien au bord de la mer.

J’ai oublié de vous demander votre adresse en Normandie, je ne mérite pas de lettre de vous, mais j’espère cependant que vous m’enverrez quelques lignes, nous seront si contents d’apprendre comment vous allez. Adieu, nos meilleurs compliments à vous et madame aussi à Madame Dubourg et Mlle Charlotte.

Adieu, votre ami O. Scholderer