Perspectivia
Lettre1890_04
Date1890-09-03
Lieu de création6. Bedford Gardens Kensington, London
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Wagner, Richard
Courbet, Gustave
Carter,
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Scholderer, Viktor
Fischer
Thoma, Hans
Edwards, Ruth
Lieux mentionnésLondres
Paris
Œuvres mentionnéesF Finale du Rheingold

6. Bedford Gardens

Kensington

London

3 Sept. 1890

Mon cher Fantin,

Je vous remercie de votre bonne lettre que j’ai reçue ici à Londres. Je m’inquiétais de ne pas avoir de nouvelles de vous et Madame, et suis bien content que vous allez bien tous les deux. La nouvelle de votre refus à Munich m’a bien vexé quoique ce n’est qu’un compliment d’être refusé par de pareils idiots.Fantin y a envoyé Finale du Rheingold, F.985, exposé au Salon de 1880 et à l’exposition décennale de 1889. Voilà les expositions, cela devient de jour en jour plus affreux, j’ai toujours cru qu’elles seraient à la fin le moyen de tuer l’art, seulement je ne sais pas comment l’art peut combattre contre elles. Il me semble que les artistes de Munich croient avoir le monopole de représenter les sujets de Wagner, comme c’est vulgaire, ce sont des gens qui ne font que du commerce et c’est lui qui a tué l’art de notre temps. Mais tout de même en se donnant ces raisons, cette affaire m’a donné beaucoup de mauvais sang et je ne peux répéter que ce sont des idiots.

J’ai abandonné mon voyage en Italie et je dis avec Courbet : pourquoi ce peuple ? Je veux rester où je suis et tâcher de venir à Paris au printemps et sans Mr. Carter.

Ma femme et Victor viennent d’arriver pour Kreuznach. Victor y a été bien faible et ma femme a eu de grands soucis. Je je trouvais maigre quand il arriva, mais j’ai remarqué qu’il a meilleure mine cependant, plus de couleur et je crois qu’il sera plus fort en quelque temps, on dit que les Eaux de Kreuznach sont bien fortes et que le corps a besoin de repos, après qu’on les a pris. Tous les deux sont partis à Littlehampton au bord de la mer. Moi, j’ai peint des natures mortes, des fruits, prendant les derniers mois et c’était un véritable plaisir pour moi. Je suis retourné à la nature morte et je crois que j’en ferai bien toute ma vie. En ce moment, je peins un portrait et cela me semble toujours bien difficile et bien ennuyant.

Je comprends que vous dites : que les tableaux de fleurs ne vous amusent pas toujours et je trouve que vous devez faire de grands efforts pour les peindre, cela m’a toujours semblé le sujet le plus difficile, cependant quand on les fait comme vous, le plaisir et la satisfaction après les avoir faites doivent bien être une récompense de l’effort ! Moi, je ne serais jamais assez fort pour essayer de les faire.

Est-ce que vous travaillez à vos esquisses que j’ai vues commencées à Paris ou faites-vous seulement des fleurs, les premières m’ont beaucoup intéressé, mais je n’y ai à peine jeté un coup d’œil quand je vous voyais et je voudrais bien revenir pour les voir achevées.

Le temps a été bien varié aussi ici, mais pas de chaleur pendant qu’il a fait terriblement chaud en Allemagne, j’ai lu des cyclones en France, en Amérique c’était encore pire.

Je ne connais pas un artiste nommé Fischer, j’ai lu dans les DirectoirsAnglicisme : annuaire. les noms de Fisher et il y en a une quinzaine ici, mais pas Fischer, cela doit être un Allemand. C’est difficile de le trouver quand on ne sait pas son nom de baptême.

Il vous fera plaisir d’apprendre que Thoma a eu dernièrement un grand succès, pourquoi – je n’en sais rien. Tout le monde veut avoir des tableaux de lui et il en a vendu en peu de temps pour cinquante mille francs. Cela m’a fait grand plaisir, son succès vient tard, mais il vient.

Je n’ai pas vu Mme Edwards depuis longtemps, j’ai toujours l’intention d’aller la voir, mais je sors si peu et ce n’est pour faire une promenade.

Est-ce que Madame n’a pas commencé de faire des photographies ? C’est si amusant et quelque fois utile et on peut apprendre très vite, je peux lui montrer tout la prochaine fois que je viendrai à Paris.

Adieu, j’espère que vous jouissez encore de la campagne que vous ne travaillez pas trop.

Ma femme m’a chargé de donner ces meilleurs compliments à vous et à Madame, et Victor vous embrasse, et moi j’en fais autant.

votre ami

Otto Scholderer