Perspectivia
Lettre1891_03
Date1891-12-17
Lieu de création6. Bedford Gardens Kensington, London
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesWhistler, James Abbott MacNeill
Wagner, Richard
Berlioz, Hector
Edwards, Ruth
Scholderer, Viktor
Guthrie, James
Dubourg, Victoria
Crachanthorpe, Hubert
Sickert, Walter
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Lieux mentionnés
Œuvres mentionnéesF Fleurs

6. Bedford Gardens, Kensington, London

17 Déc [18]91

Mon cher Fantin,

Je vous écris un mot aujourd’hui pour vous annoncer la visite d’un Monsieur Crackanthorpe,Hubert Crackanthorpe (1870-1896) écrivain, auteur de nouvelles, d’abord proche du naturalisme puis dont les descriptions psychologiques s’intensifient au fil du temps. Il joue un rôle actif dans la vie littéraire anglaise des années 1890. Il collabore au Yellow Book et au Savoy. Entre 1889 et 1892 il séjourne en France où il rencontre Mallarmé, les Goncourt, Maeterlinck et Gide. A partir de la fin 1891, il dirige The Albemarle, publié à Londres, où paraît sa toute première œuvre comportant une interview de Zola et où il fait le point sur le réalisme et l’avenir du roman anglais. Il est retrouvé mort dans la Seine en 1896. Il a notamment publié Wreckage, Londres, William Heinemann, 1893 ; Sentimental Studies and a Set of Village Tales, Londres, William Heinemann, 1895 ; Vignettes. A Miniature Journal of Whim and Sentiment, Londres et New York, John Lane, The Bodley Head, 1896 ; Last Studies, Londres, William Heinemann, 1897. un ami de Walter SickertWalter Sickert (1860-1942), fils d’Oswald Sickert. Il est né à Munich et déménage pour l’Angleterre à l’âge de huit ans. Il étudie brièvement à la Slade School puis devient apprenti dans l’atelier de Whistler. Sickert dit avoir été préparé à la compréhension de ses œuvres grâce à son père et à Otto Scholderer auprès duquel il a suivi des cours. Lors d’un séjour à Paris en 1883, Walter Sickert rencontre Degas qui devient son mentor. Il a largement diffusé les leçons de l’art français et plus particulièrement celles de Degas en Angleterre. et qui vient d’éditer un journal qui est intitulé l’Albemarle, Walter Sickert lui a parlé de vos lithographies et il est venu les voir chez moi. Son journal, ou plutôt périodical, paraît chaque mois et il désire d’ajouter à chaque numéro une lithographie d’un artiste prominent, son premier est accompagné d’un dessin de Whistler. Il paraît que Whistler et Sickert prennent beaucoup d’intérêt à ce journal et à M. Crackanthorpe qui est très jeune encore. Il n’ose pas vous adresser ses sollicitations sans être introduit chez vous et m’a demandé de vous prévenir de sa visite, mais je lui ai dit que je ne pouvais lui donner aucune promesse à rapport de vos idées là-dessus. Il dit qu’il voulait bien payer pour un dessin de votre main, seulement il ne savait pas si ses moyens lui permettraient un prix très haut, mais il a été fort enchanté des lithographies de Wagner et Berlioz que je lui ai montrées. Il part vendredi prochain pour Paris et ira vous voir de suite. Encore il m’a dit qu’il laissera la choix du sujet entièrement à vous. J’espère que cette affaire ne vous dérangera pas trop.

Il y a longtemps que nous n’avions des nouvelles de vous, de temps en temps Mme Edwards cependant m’en donne. J’espère que vous allez bien. Victor est malade depuis quelques jours, nous en étions un peu inquiets, mais il va mieux aujourd’hui ? Je n’ai pas encore vu vos dernières fleursFantin-Latour, Fleurs, F.1418. que tout le monde admire à l’Exposition, je vais si rarement à Londres, excepté le soir comme promenade. Je suis allé voir Whistler l’autre jour, je l’ai trouvé bien vieux et bien plus tranquille qu’autrefois, il a été bien gentil et m’a demandé de vos nouvelles, je n’ai pas vu ce qu’il fait, on dit beaucoup de pastels.

J’ai fait des natures mortes presque toutes des fruits, des huîtres, des faisans et cela me fait grand plaisir et je commence à avoir un peu de succès avec cela, j’ai exposé avec les impressionnistes qui ont aimé mes tableaux, ils sont, il faut le dire, encore ceux à Londres qui sont plus artistes que les autres peintres, il y en a qui ont beaucoup de talent comme Gutherie par exemple.

J’espère que ma lettre trouve vous et Madame en bonne santé. Je serais bien content d’apprendre ce que vous faites en ce moment. La lumière a été assez bonne jusqu’à présent, mais je crains que l’obscurité vienne maintenant. Bien des choses à vous et Madame de nous deux et des baisers de Victor.

Votre ami

Otto Scholderer