Perspectivia
Lettre1873_01
Date1873-01-23
Lieu de création[Paris]
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesEdwards, Edwin
Whistler, James Abbott MacNeill
Durand-Ruel, Paul
Lhermitte, Léon
Manet, Edouard
Courbet, Gustave
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Fantin-Latour, Marie
Fantin-Latour, Nathalie
Lieux mentionnésLondres
Paris, galerie Durand-Ruel
Œuvres mentionnéesF Un coin de table
F Les deux sœurs

[Paris]

23 janvier 1873

Mon cher Scholderer

Voilà bien longtemps que je ne vous ai écrit. Je n’ai pas grand-chose à vous dire, il ne se passe rien d’important ici. Je ne vois personne et ne suis pas bien portant, je me suis fatigué, je crois. Voilà depuis le commencement de l’année que je ne fais rien du tout, je me soigne, je suis triste et songeur.

Et vous, comment va votre santé, Ah ! Que c’est utile d’être bien portant. Que faites-vous.

Parlez-moi de ce que vous faites, de ce qui se passe à Londres. Voyez-vous Edwards, voyez-vous d’autres, et Whistler, j’ai vu chez Durand Ruel de ses tableaux qu’il vient d’envoyer.En janvier 1873, Durand-Ruel expose dans sa galerie de la rue Laffitte à Paris sept peintures à l’huile de Whistler parmi lesquelles se trouvent Variations in Flesh Colour and Green : The Balcony, YMSM.56, 1865, huile sur bois, 61,4 x 48,8 cm, Washington, D. C., Freer Gallery of Art ; Arrangement in Grey : Portrait of the Painter, YMSM.122, 1872, huile sur toile, 74,9 x 53,3 cm, Detroit Institut of Arts ; Arrangement in Grey and Black : Portrait of the Painter’s Mother, YMSM.101, 1871, huile sur toile, 144,3 x 162,5 cm, Paris, musée d’Orsay ; Views of the Thames, YMSM.138, huile sur toile, dimension et localisation inconnues.

C’est un grand étonnement pour moi, je n’y comprends rien. Est-ce bizarre comme on change, je ne le reconnais plus. Je voudrais le voir, pour l’entendre expliquer ce qu’il veut faire ; mais j’ai besoin de revoir cela et je lui écrirai alors franchement l’effet que cela me fait.

Je suis si bien malade que je ne fais aucun projet. J’ai été très content de votre succès avec les deux Natures Mortes qui étaient autour du cerf, vous savez combien je les aimais.

Tout ce que vous me dites de mon tableau me fait grand plaisir. Je suis bien heureux que vous le trouviez mieux que ce que j’ai fait. J’ai vendu ce tableau 5000 francs.Fantin-Latour, Un coin de table, F.577, vendu en 1872 par Durand-Ruel à Mr Walter Crawley de Reading (Angleterre). N’est-ce pas que c’est fameux de vendre ainsi un tableau impossible par le sujet.

Je suis tout à fait de votre avis, les dessins de l’Hermitte sont très bien. Il y a longtemps que je n’ai pas vu Manet. Je n’ai aucun goût pour la société, je n’ai le courage d’aller nulle part.

Je reste chez moi, cela ne va pas. Je compte sur cette étude de mes sœurs de 1858,Fantin-Latour, Les deux sœurs, F.97. cela restera pour moi un souvenir. Envoyez-la moi rue Bonaparte, 82. Je suis en mesure de payer le port.

N’attendez pas l’occasion, cela embarrasse toujours. Vous me voyez fâché de ne pas avoir pensé à vous donner une toile pour votre mariage.

Quand j’envoie des fleurs à Edwards je vous dirai de prendre celle qui vous plaira davantage.

On ne dit rien de Courbet,Courbet est allé rendre visite à sa famille en Franche-Comté. En juin 1873, la saisie de ses biens l’amène à s’exiler en Suisse à La Tour-de-Peilz près de Vevey jusqu’à sa mort en 1877. Il est finalement condamné en juin 1874 à payer les frais qu’exigera la reconstruction de la colonne Vendôme. Le jugement définitif est rendu le 24 mai 1877, il doit 323091,68 francs à l’État. je ne sais ce qu’il devient.

Adieu mon cher Scholderer, dites bien des choses de ma part à Madame. Vous excuserez ma lettre courte mais je n’ai pas la force,

Fantin