Perspectivia
Lettre1880_17
Date1880-12-16
Lieu de création8 Clarendon Road Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesCallimaki-Catargi, Eva
Rembrandt
Scholderer, Viktor
Dubourg, Victoria
Whistler, James Abbott MacNeill
Legros, Alphonse
Cazin, Jean Charles
Edwards, Ruth
Edwards, Edwin
Manet, Edouard
Rochefort, Henri
Lieux mentionnésLondres
Œuvres mentionnéesF Portrait d'Eva Callimaki Catargi

Clarendon Rd. Putney

16 Dce. [18]80

Mon cher Fantin,

Nous vous remercions pour votre aimable lettre, que j’ai reçue ce matin.

Nous sommes bien contents que vous et madame vont bien. Vous parlez de portraits que vous faites en ce moment, est-ce que vous faites plusieurs ou seulement celui de Mlle Calimacki ?Fantin-Latour, Portrait d’Eva Callimaki Catargi, F.1016. C’est vrai, ils sont très difficiles à faire, mais surtout parce que les personnes ne posent pas bien et toujours le jour quand on n’est pas disposé, en même temps, on croit toujours en travaillant, qu’on a un devoir à remplir, pas un travail pour son plaisir, et c’est le cas avec tous les portraits, même ceux qu’on fait pour rien. Rembrandt a fait les portraits de sa famille, voilà ce qui est joli à faire ou des amis les plus intimes.

Comme à l’ordinaire, mon projet d’aller en Allemagne et de vous voir en revenant ne peut pas être exécuté, comme bien des fois déjà ! Je ne peux pas quitter ma femme en ce moment qui ne se porte pas du tout bien, elle ne peut pas se remettre et les forces lui manquent, nous avons eu aussi bien des désagréments dans notre ménage, deux nouvelles servantes avec la nourrice, le travail avec l’enfant, tout cela l’a épuisée bien. Nous pensons en même temps de quitter notre maison, et de prendre une nouvelle avec un plus grand atelier à Putney, peut-être nous en achèterons une très près de notre demeure.

Je n’irai pas en Allemagne, cette année, nous espérons d’y aller en été ? ! ?.

Notre petit Victor va bien, il est en ce moment le plus fort de la famille, je vous enverrai bientôt son portrait que j’ai commencé au crayon. J’ai travaillé avec des interruptions, mais assez bien, je me donne beaucoup de peine, j’espère que cela me portera des fruits. Vous auriez dû nous donner un peu la description du nouvel atelier de Madame, cela nous intéresse beaucoup, nous espérons qu’elle y travaille confortablement !.

Je n’ai pas encore vu les eaux-fortes de Whistler. Il est de retour de Venise et on dit qu’il va aller définitivement en Amérique, peut-être qu’il y réussisse, c’est un véritable Américain.Whistler exécute une quarantaine d’eaux-fortes à Venise pendant son séjour d’un an en 1879-1880. En novembre 1880 il regagne Londres et expose douze de ces eaux-fortes sous le titre : La suite vénitienne, K.183-237. Il ne retournera cependant jamais en Amérique. Il y a bien des années que je ne l’ai vu, ni Legros et je n’ai aucun désir de les rencontrer. Avez-vous vu Cazin ? Il doit être bien inquiet maintenant, il me semble, de son succès. Je sais que le Salon sera arrangé d’une manière nouvelle, est-ce qu’il n’y aura pas de jury ? Pourtant il me semble qu’il y en aura un, mais de quels artistes sera-t-il composé ? Nous voyons très peu Mme Edwards, je me reproche de ne pas être allé la voir, car elle est bien isolée depuis la mort de son mari et le sent beaucoup. Legros un jour disait qu’il n’allait plus voir les Edwards, parce qu’il n’aimait pas à être exposé à se faire dire des grossièretés, et je crains qu’il y en a d’autres aussi de son opinion, moi toujours, quand j’y vais, je m’attends au moins d’apprendre quelque chose de désagréable, cependant je n’aimerais pas à quitter entièrement les relations avec Mme Edwards et j’ai quelque attachement à elle, c’est un morceau de notre vie à Londres, et elle est bien meilleure qu’elle ne paraît, quoiqu’elle est désagréable.

Il y a longtemps que nous n’avons des nouvelles de Mlle Esch et nous espérons qu’elle se porte bien, ma femmme vraiment ne lui a pas pu écrire, elle est beaucoup trop faible pour faire plus que ce qui est essentiellement nécessaire.

Je vous dis adieu, nos meilleurs compliments à vous et à Madame et beaucoup de santé.

Votre ami O. Scholderer

Le pauvre RochefortHenri Rochefort (1830-1913), journaliste, ex-communard, exilé en Nouvelle-Calédonie d’où il s’évade en 1874. Il revient en France avec l’amnistie générale des communards de juillet 1880. Scholderer fait ici allusion à une campagne de presse qui accuse Rochefort de malhonnêteté. m’a fait pitié, comme on doit se porter mal pour faire tant de bêtises !

Pensez que j’ai manqué d’entendre la Damnation de FaustLa damnation de Faust créé par Berlioz en 1846. qu’on a donnée ici dernièrement, je le regrette beaucoup.

<Mme Edwards m’a fait cadeau d’une photog. du tableau de Manet dans l’atelier,Fantin-Latour, Un atelier aux Batignolles, F.409. comme cela est bien réussi>