Perspectivia

[s. l. ][Berlin ]ce 26de Dec[embre] 1754.

Ma tres chere Soeur.
J’ai eu le plaisir de resevoir une lettre de Votre part dattée d’avignon, je m’etone[,] ma chere soeur[,] que Vous y soufriéz le froit, c’est un Climat bien doux et qui de plus est beni par le Pape; je suis fort etoné de tout ce que Vous me dites dans votre lettre, on voit cependant partout que plus un etat est grand et moins il peut etre bien administré en detail, le vieu proverbe est asséz vrai qui dit que le Monde va par des abûs, coment est il posible que le Gouvernement qui se trouve a Versailles soit informé de toute les Depretations des fermiérs generaux qui sucent le peuple[? ]comant, peut il portér un remede a tans d’abûs[,] lorsque ceux qui devroient Les exsaminér ne sont ni alabri des coruptions[,] ni integres? [, ]Une des sources des maux que vous remarquéz en france est[,] Sans Contredit[,] La Consideration que Les Richesses donnent dans ce païs, on fait Cas de ceux qui ont du bien[,] qui font une Grande depensse[,] et perssonne ne S’enquiert par quelle Jnfamie ils ont aquis ces Richesses, de la L’envie de s’enrichir, Le mepris de L’honneur[,] de la vertu, et la Coruption totale des moeurs, ce n’est pas a dire que j’acuse toute la Nation des Visses de La Capitale, et l[’]on pouroit dire des gens Jncoruptibles ce que dit boeleau des femes chastes, mais ce petit nombre de gens vertueux ne sufit pas pour reparér Le Mal | qu’une longue suite d’années a inveteré dans l’administration interieure du Gouvernement, pour reparér ce desordre[,] il faudroit beaucoup de fermeté, il faudroit Sevir contre Les Coupables, et surtout preferér en touts etats le merite aux richesses et a la Naissance; Les français se moquent […d ]de moy[,] ou ils ont quelque Complaisance pour les bontéz dont vous m’honnoréz lorsqu[’]ils me Citent, je me sentirois Les reins trop faibles pour embrassér une besogne aus[s]i Vaste que Celle [que ]Quil [qu’il ] faudroit pour redressér les abûs de ce Royaume[.] j’ai bien des affaires ici sur Les brads[,] dont j’ai asséz de penne [peine ]a me demenér[,] sans vouloir avoir un ausi Vaste Royaume a Gouvernér; enfein[,] pourvû que j’aprene[,] Ma chere soeur[,] que Vous Vous portéz bien[,] ce sera La Nouvele La plus agréable que je pourai resevoir de france. je souhaite de tout Mon coeur que Vous y passiéz agréablement Votre tems[,] que vous y comansiéz bien la Nouvele année et que Vous n’oublyéz pas un frere qui sera jamais avec la plus tendre amitié[,]

Ma tres chere soeur[,]
Votre fidele frere et serviteur

Federic