Perspectivia
Lettre1878_10
Date1878-01-01
Lieu de création8 Clarendon Road Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Esch, Mlle
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Millais
Menzel, Adolph
Lhermitte, Léon
Cazin, Jean-Charles
Lieux mentionnésParis
Paris, Exposition Universelle, 1878
Heist (Région flamande)
Œuvres mentionnéesF La famille Dubourg

8 Clarendon Rd Putney Surrey

[Fin juin, début juillet 1878]

Mon cher Fantin,

Combien nous regrettons que vous ne pouvez pas venir nous joindre à Heist !Heist, station balnéaire de Belgique (Flandre occidentale) sur la mer du Nord, à l’est de Zeebruge. Nous nous serions amusés bien, j’en suis sûr. La vie n’y est pas chère, la nourriture très bonne, on paye 7 francs la personne pour tout. Mais puisque vous vous arrangez pour aller en Normandie, je ne veux pas essayer de vous persuader de changer vos projets. La mer aurait fait du bien à Madame, c’est peut-être justement ce qu’il lui faut. Mais probablement l’endroit où vous voulez aller est beau aussi. Nous espérons bien que Madame aura du bénéfit de son séjour à la campagne, Mlle Esch nous avait déjà écrit qu’elle n’allait pas trop bien, j’en suis sûr qu’il lui faut de l’air et un peu d’exercice de mouvement, je sais combien c’est difficile de s’en procurer à Paris.

Nous vous remercions bien de votre bonté de nous inviter à venir vous voir, je crois que ma femme aurait tort d’aller en ce moment à Paris, elle ne va pas très bien et une vie tranquille, c’est ce qu’il lui faut. Moi j’aimerais beaucoup à vous voir, vous pouvez vous imaginer cela, et peut-être je viendrai pour 3 ou quatre jours. Il faudra que vous me dites quand vous quittez Paris, puisqu’en cas que je vienne, je ne délaye pas votre voyage. Je crois qu’il me fera du bien d’aller voir l’ExpositionL’Exposition universelle qui se tient à Paris de mai à octobre 1878. et je peux m’imaginer que cela soit très intéressant.

L’autre jour un ami a emmené Millais dans mon atelier. Je lui ai demandé s’il avait vu votre tableauFantin-Latour, La famille Dubourg, F.867. et il a dit avec beaucoup d’emphase : ah, nous avons connu jusqu’à présent Fantin seulement comme l’éminent peintre de fleurs, mais il a fait là un tableau de sa famille, vous ne pouvez pas vous imaginer comme c’est bien, on ne peut pas faire mieux, c’est impossible. Et les fleurs ! Il a dit joint avec un geste indiquant à leur donner un baiser. Cela m’a fait grand plaisir, quoique son jugement sur l’art est très personnel, quelque fois un peu bête et ceux qui ont du succès lui valent bien plus que tous les autres. Il a été très épris de Menzel et a dit que c’était lui à qui il donnerait la Médaille d’Honneur,A l’Exposition universelle de 1878 à Paris, Menzel envoie La forge, 1872-1875, huile sur toile, 158 x 254 cm, Berlin, Nationalgalerie ; La table ronde de Frédéric le Grand à Sanssouci, 1850, huile, autrefois Berlin, Nationalgalerie, perte de guerre ; Le concert de flûte de Frédéric à Sanssouci, 1850-1852, huile sur toile, 142 x 205 cm, Berlin, Nationalgalerie. en somme il a été vivement intéressé de l’Exposition et m’a voulu persuader aller la voir, il disait qu’on ne devrait pas omettre cela, que c’était un devoir.

Je regrette bien que les tableaux de Madame soient mal placés,Victoria Dubourg, Dahlias et Aubépine exposés respectivement sous les numéros 794 et 795 au Salon de 1878. il paraît qu’on le fait exprès pour vous vexer. Il m’a fait plaisir d’apprendre que l’Hermitte a fait un beau dessinLhermitte expose deux peintures, Le marché aux pommes, à Landernau (Finistère) n° 1441 et Une rue à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), n° 1442 et deux fusains, La halle aux poissons, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), n° 3366et L’église de Mézy (Seine-et-Oise), n° 3367. et surtout que vous aimez la gouache de Cazin que je suis curieux de voir.Cazin, Le voyage de Tobie, gouache, cire, pastel (Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure, et lithographie des artistes vivants exposés au Palais des Champs-Élysées le 25 mai 1878, n° 2600).

Comme je voudrais vous persuader que la mer vaut mieux que le vert ! Mais la bourse est-ce que vous ne pouvez pas la serrer un peu, peut-être il se trouve quelque chose au fond, et vous dites vous-même que le voyage de Heist à Paris n’est pas cher. Je conserve encore un peu d’espoir, nous partirons dimanche matin, probablement notre adresse sera : Hôtel du Phare à Heist, je ne sais pas combien de lieues c’est de Ostende. Adieu, bien des choses à Madame de nous deux, aussi à Mlle Esch. Bien des compliments à Madame de ma part. Votre ami

O. Scholderer