Perspectivia
Lettre1873_05
Date1873-06-22
Lieu de création[Paris]
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesWhistler, James Abbott MacNeill
Edwards, Edwin
Fantin-Latour, Jean-Théodore
Dubourg, Victoria
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Londres, Society of French Artists
Londres, 7th exhibition de la Society of French Artists
Œuvres mentionnéesF Nature morte  : coin de table
F Portrait de Victoria Dubourg
S Pfau mit Hasen (paon et lièvre)
F Portrait d'Alphonse Legros
F Autoportrait assis devant son chevalet
F Autoportrait debout, la palette à la main
F Les deux sœurs

[Paris]

22 juin 1873

Mon cher Scholderer

Tout d’abord merci bien pour votre envoi de ma peinture.Scholderer renvoie le portrait des deux sœurs à Fantin et garde les trois autres portraits de Fantin qu’il avait reçus en 1858. Voir lettre 1858_04. Vous m’avez fait bien plaisir, c’est pour moi un souvenir d’un temps passé ! Je vous ferai des fleurs en échange et je vais tâcher de m’y appliquer beaucoup pour vous dédommager. Je vais me mettre à travailler, voilà longtemps que je ne m’y suis mis avec ardeur. Je ne peux pas vous expliquer cette chose qui fait que je suis arrêté depuis bien du temps. L’envie peut-être de faire mieux. Je voudrais bien faire des choses importantes.

Il y a là une difficulté terrible pour moi, cela demande une telle continuité d’efforts, cela me fatigue matériellement beaucoup. Il faudrait être un Hercule vraiment pour faire de la peinture.

Vous verrez probablement mes deux tableaux du Salon à Londres,Fantin-Latour, Nature morte : coin de table, F.671 et Portrait de Victoria Dubourg, F.647 seront exposées à la 7th exhibition de la Society of French Artists. vous m’en direz votre opinion. Je m’y suis très appliqué. J’avais même formé des espérances dessus, il me semble que l’on a pas vu tout ce qu’il y a d’efforts dedans. Enfin, il faut en faire d’autres, voilà la morale. Mais comme cela est difficile de faire des choses vraiment achevées !

Je prends et relis votre lettre pour ne rien oublier.

Cela m’a fait grand plaisir de savoir que vous allez bien et que vous êtes satisfait de la vente de vos tableaux.

Ne comptez pas me voir à Londres, je n’ai aucun désir d’y aller. Je n’ai aucune envie des relations, des brouilles, des cancans que j’entends, si vous saviez combien tout cela m’est indifférent aujourd’hui. J’ai tout oublié d’autrefois. Je ne voudrais pas rentrer dans ces choses, je [n’ai] aucune colère, ni rancune après personne. Je ne vois que ceux que je rencontre et suis bien en dehors de tout maintenant.

J’ai vu Whistler ici et j’ai senti, en le voyant, combien je n’étais plus intéressé aujourd’hui à toutes ces choses. Nous avons eu une explication amicale sur ce que je ne comprenais pas comme il le désirerait ses toiles. Je crois qu’il a trop d’esprit pour m’en vouloir, mais malgré tout nous avons été froids ensemble. Que voulez-vous, on va chacun de son côté. Il m’a paru enchanté de lui et persuadé qu’il va en avant, tandis que nous autres restons dans la vieille peinture. J’ai faiblement expliqué ce que j’aime et ce que je voudrais faire, mais sans chaleur.

Je ne suis plus d’humeur à discuter.

Je suis très enchanté que vous soyez dans les meilleurs termes avec Edwards ; moi, je n’ai qu’à m’en louer. Edwards m’a parlé avec de grands éloges de votre paonScholderer, Pfau mit Hasen, vendu à la famille Morrison, amis des Edwards, Jutta Bagdahn mentionne cette nature morte sans plus de précisions et ne l’a pas insérée dans son catalogue raisonné. Voir Jutta Bagdahn, Otto Franz Scholderer 1834-1902. Monographie und Werkverzeichnis, thèse de doctorat inédite, Fribourg-en-Brisgau, 2002, p. 59 ; Jutta Bagdahn, « Otto Scholderer – Daten zu Leben und Werk », dans Scholderer, cat. exp. 2002, p. 61-80, p. 67. et des choses que vous faites maintenant. Je suis très content que votre refus à l’Académie ne vous ait rien fait, et que vous recommencerez l’année prochaine. Venez, venez à votre retour d’Allemagne à Paris. Pensez comme je serai aise de vous voir ici, comme nous causerons. Vous êtes un ami pour moi auquel je tiens plus que tout autre. Mon père me charge de vous dire bien des choses de sa part, ainsi que Mademoiselle Dubourg qui est très sensible à votre souvenir.

Dites bien des choses de ma part à Madame. Combien je serais heureux de la connaître, j’espère vous voir tous les deux cet été.

H. Fantin