Perspectivia
Lettre1884_09
Date1884-07-24
Lieu de créationHildesheim Keswick Rds Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Jean-Theodore
Dubourg, Victoria
Morrison, Madame
Scholderer, Viktor
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Blanc, Charles
Duranty, Louis
Burne-Jones
Dubourg, Hélène
Dubourg, Charlotte
Lieux mentionnésLondres
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS The Rheinmaiden/ Die Rheintochter - die Quellennymphe (La fille du Rhin)
S The Last Chapter/ Letztes Kapitel (le dernier chapitre)
S Portrait
S Portrait
F Nuit de printemps

Hildesheim Keswick Road Putney

24 juillet [18]84

Mon cher Fantin,

J’ai reçu votre lettre du 16 juillet et ensuite le tableau du Salon. Je vous en remercie bien et pour toute la peine que vous vous êtes donnée avec ce malheureux tableau,Scholderer, The Last Chapter / Letztes Kapitel, B.225. mais je le regrette bien, car vraiment cela ne valait pas la peine.

Je suis bien de votre avis qu’il y a trop de peintures maintenant, on ne sait vraiment pas où cela va finir.

Je vous ai dit que j’ai deux portraits à faire, c’est justement suffisant de ne me pas laisser faire de nouvelles dettes, et je dois en être content pour le moment.Jutta Bagdahn a repéré deux portraits exposés en 1884, l’un à la Royal Birmingham Society of Artists (Portrait, B.231, non localisé), l’autre à la Royal Manchester Institution (Portrait, B.232, non localisé), qu’elle suppose pouvoir être une seule et même œuvre qui pourrait correspondre au portrait auquel Scholderer fait ici référence. Pourtant j’ai un sentiment comme si le plus mauvais temps pour les artistes était passé, peut-être cela ira mieux maintenant.

Nous regrettons bien que vous et Madame ne sont pas contents de votre santé. Nous avons appris l’accident de Monsieur Dubourg et cela a dû vous effrayer bien, nous avons appris avec plaisir qu’il va mieux et va bientôt quitter son lit, mais à son âge, c’est toujours grave, cela prendra bien du temps jusqu’à ce qu’il sera guéri tout à fait.

L’air de la campagne vous fera certainement beaucoup de bien, ainsi qu’à Madame, vous allez être occupé sans doute maintenant à faire vos malles ; j’espère que le mois prochain sera beau et que nous aurons un bel automne. Nous allons passer six semaines à peu près à Wiltshire. Madame Morrison, vous avez sans doute entendu parler d’elle, nous a invités ; nous aurons une petite maison, toute pour nous, l’endroit doit être très sain et j’espère que cela fasse du bien à ma femme et à Victor.

Il se porte assez bien et est très gai, et vif, autant que s’il se promène avec sa mère, les gens s’arrêtent et s’étonnent de sa vivacité. Il n’apprend pas encore à lire, mais connaît l’alphabet et s’intéresse surtout pour les chiffres, il les connaît bien jusqu’aux centaines et demande continuellement qu’on les lui explique. Aussi, les contes féériques l’amusent bien, et il se sert dans la conversation d’une façon très amusante des phrases qu’il a entendues dans ces histoires. Nous lui avons coupé ses boucles et il n’est plus joli, il est grand pour son âge et prononce l’allemand très bien, il connaît aussi l’anglais qu’il parle avec les servantes ou nos amis anglais. Depuis qu’il passe la journée dans le jardin, il néglige son dessein et n’a pas beaucoup de progrès, ce sont toujours des locomotives.

Je dois vous dire maintenant comme j’ai été touché de la nature morte de Madame, je regrette bien que je ne puisse pas voir son tableau qui a ma sympathie entière, comme j’en voudrais faire aussi ! Est-ce que cela ne sera pas envoyé ici, je crois que cela pourrait avoir du succès maintenant aussi à Londres, on commence bien aussi à s’intéresser pour la peinture un peu et pas mettre tant d’importance au sujet qu’autrefois.

Je n’ai pas encore vu votre tableauFantin-Latour, Nuit de printemps (ou le rêve du poète), F.1148. chez Mme. Edwards, j’avais à voyager tous les jours pour faire ce portrait de deux petites filles, qui ne m’a pas laissé le temps d’aller ailleurs, je suis bien curieux de le voir et j’irai bientôt.

Je vous remercie des renseignements sur les critiques d’art, j’ai pensé bien que C. Blanc ne serait pas trop intéressant ; je voudrais bien lire cependant quelque chose de Duranty.Les écrits sur l’art de Duranty sont parus dans Les Beaux-Arts illustrés, Chronique des arts et de la curiosité, la Gazette des Beaux-Arts ou encore la Revue de France. Il me paraît que les auteurs qui écrivent sur l’art ne sont pas de longue durée.

L’été ici est parfait, depuis bien des années nous n’en avons pas eu de plus beau, dernièrement il pleut peut-être trop, mais en somme le temps est ravissant et il n’y avait que trois ou quatre jours ou la chaleur était trop grande.

Je viens d’envoyer un tableau à Berlin, une espèce de Loreley, une femme nue assise sur un rocher,Scholderer, The Rheinmaiden/ Die Rheintochter – die Quellennymphe, B.228. est-ce que je vous en ai écrit, j’espère que cela aura plus de succès ici qu’en Angleterre où on n’aime pas ces sujets, sauf dans la manière de Burne Jones. J’ai à travailler bien encore pour les expositions de l’automne. Je vous écrirai aussitôt que j’aurai vu votre tableau.

Adieu, merci bien de toute votre bonté. Nous envoyons nos meilleurs compliments à vous et Madame, et Victor vous envoye des baisers, votre nom lui est toujours familier puisqu’il entend si souvent parler de vous.

Bien des choses à la famille Dubourg, et à Monsieur l’expression de notre sympathie et nos souhaits pour sa guérison.

Votre ami

Otto Scholderer