Perspectivia
Lettre1884_11
Date1884-11-27
Lieu de créationParis
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Dubourg, Jean-Theodore
Liszt, Franz
Lenbach, Franz Seraph von
Chardin, Jean-Baptiste Siméon
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Scholderer, Viktor
Lieux mentionnésLondres, Institute of Painters in Oil Colours
Œuvres mentionnéesF Nuit de printemps (ou le rêve du poète)

[Paris]

27 nov.84

Mon cher Scholderer,

Voilà bien longtemps que je ne vous ai écrit. Votre lettre m’a fait grand plaisir. Notre saison de campagne a été bien triste, malgré le magnifique été et automne qu’il y a eu. Ma femme a eu la rougeole ! Nous avons eu pendant quelque temps des inquiétudes pour la santé de monsieur Dubourg. Sa jambe le condamnait au repos et l’avait rendu très malade.

J’ai mené ma femme à la mer, sur les côtes de Normandie, cela nous a fait du bien. J’ai pourtant, malgré cela, travaillé, mais cela est bien fatigant. Enfin nous allons tous assez bien pour un commencement d’hiver.

Cela m’a fait grand plaisir que vous aimiez mon esquisse de l’Institute.Fantin-Latour, Nuit de printemps (ou le rêve du poète), F.1148, exposé à la seconde exposition de l’Institute of Painters in Oil Colours. Je l’ai beaucoup travaillée, elle m’a donné beaucoup de peine, voilà bien deux années qu’elle était sur le chevalet. Vous êtes bien sévère pour le cahier Bayreuth, le portrait de Liszt de LenbachFranz Seraph von Lenbach, Portrait de Franz Liszt, 1884, huile sur toile, 56,5 x 49,2 cm, Hambourg, Kunsthalle. me paraît superbe et nous ne sommes pas habitués à voir une publication si bien. Vous me parlez de vos portraits au pastel, j’aimerais bien les voir, le procédé vous plaît donc bien ? Mettez-vous beaucoup de crayon ou bien laissez-vous le papier en dessin, vous rappelez-vous le Chardin avec son abat-jourChardin, Autoportrait dit Portrait de Chardin à l’abat-jour, 1775, pastel, 46 x 38 cm, Paris, musée du Louvre. et surtout de sa femme dans une coiffe ;Chardin, Portrait de madame Chardin née Françoise-Marguerite Pouget (1707-1791), 1775, pastel, 46 x 38,5 cm, Paris, musée du Louvre. je ne vous trouve pas borné pour la musique, car vous aimez ce qu’il y a de mieux ! Pouvons-nous juger ce qui se fait dans ce temps, comme nous jugeons le passé, les jouissances des modernes sont tout autres que celles des anciens. Moi, j’aime tout. J’ai été élevé avec la musique d’opéra et celle symphonique me plaît beaucoup maintenant.

Moi et ma femme nous avons été bien intéressés à tout ce que vous nous dites de Victor que vous embrassez pour nous, dites à madame bien des choses de notre part. Écrivez donc plus souvent. Tout à vous. Fantin.